21/07/2014

Drift - Thierry Di Rollo


Dwain Darker est un jeune des cités-poubelles, désertées par les riches après une apocalypse rarement évoquée mais qui trouve une réponse simple, la stupidité couplée à la suffisance de l'homme. Abandonné à son sort, avec une espérance de vie limitée, il arrive tant bien que mal à se débrouiller, zigzaguant entre les cadavres et les rats. Une vie bien triste qui s'annonce pour Darker au sein de MorneVille (cela ne s'invente pas) que va pourtant égayer Kenny, une mignonne blondinette prête à braver tous les interdits à ses côtés.

Darker l'a elle et le frisson que lui procure le fait de braver le jour ; et ça lui suffit. Jusqu'à que tout cela lui soit retiré, brutalement, dans la souffrance mutuelle de deux corps meurtris dans la chair, pour l'un, et dans l'âme pour l'autre. Pour ne pas sombrer en même temps que le monde qui l'a vu naître, Darker trompe le temps et la mort pour essayer tout au moins, de résorber la douleur indicible si non l'oublier.

"We only said goodbye with words, I died a hundred times ... And I go back to black"

Vivre plus longtemps, frôler l'immortalité n'y changera rien, il retrouve sans cesse son visage, dans le froncement de sourcils d'une femme ou par le biais d'un paradis artificiel que lui propose le Paradoxe, un monde virtuel. L'ombre de Kenny reste omniprésente, le suivant où qu'il aille, marchant dans ses pas, inexorablement.

Plus que le  space-opera que nous vend la 4e de couverture, je retire surtout de ce roman la puissance émotionnelle qu'arrive à transmettre l'auteur sur l'amour entre Kenny et Darker : la douleur de la perte et la quête éternellement infructueuse de ce qui n'est plus. Pour autant, il ne faut pas réduire ce roman à cette "seule" histoire d'amour, car j'en retire tout autant le constat qu'il dresse de notre espèce, quand le Drift arrive enfin à destination par exemple. Un constat accablant qui prouve une fois encore que l'Histoire ne donne pas de leçon, que notre bêtise nous fait foncer droit dans le mur et que quand nous le réalisons, il est déjà trop tard.

Certains pourraient dire de Thierry Di Rollo qu'il est pessimiste. De mon côté, je crois plutôt qu'il est simplement réaliste, douloureusement clairvoyant sur la nature profonde de l'Homme, par nécessité peut-être. En effet, on n'est jamais déçu si on ne se fait pas d'illusions, si on n'a pas d'espoir. L'espoir fait vivre mais l'espoir tue aussi, parfois. 

Un roman d'une beauté vénéneuse. 

Ils l'ont aussi lu (et grandement apprécié) : Angua, BlackWolf, JMB-SF

5 commentaires:

  1. Celui-là m'attire, même si ce que j'ai lu de Di Rollo (des nouvelles) jusqu'à maintenant ne m'a pas emballé.

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    1. Je pense alors que Drift est la solution à ton problème vu qu'il représente à mon avis une bonne manière d'accéder à l'univers sombre de l'auteur ;)

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  2. C'est vrai que Kenny est géniale ! A tel point qu'on aimerait bien savoir de qui Di Rollo s'est inspiré :) Une grande histoire d'amour couplée à une aventure spatiale, pour un roman lui aussi très "grand" et unique qui marquera je l'espère la SF française. Dommage qu'il n'ait pas été sélectionné pour le prix Planet-SF ;)

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  3. Il devrait de nouveau être éligible l'année prochaine, avec les dates décalées, permettant à plus de monde de le lire d'ici là... ;)
    En tout cas je le note, toutes les critiques lues ici ou là étant assez enthousiastes...

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  4. Cool qu'il puisse être ré-éligible l'année prochaine, ça lui permettra d'avoir une nouvelle visibilité. Et il le mérite bien !

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