27/10/2014

Le Fleuve des Dieux - Ian McDonald


Directement plongé dans la crasse boueuse du Gange, les odeurs épicées de Vârânâsi et le bruit des klaxons qui ponctuent la circulation, on peut se sentir rebuté tout d'abord par l'omniprésence de termes et de modes de vie qui nous sont pour la plupart totalement étrangers.

Mais dès que notre oreille s'habitue à la musicalité de ces sonorités nouvelles ainsi qu'à ces concepts et technologies innovants, on lit presque ce livre d'un jet, en apnée (ce qu'il est hautement conseillé de faire dans le cas du Gange !) pour en sortir groggy par l'ampleur et la maîtrise par l'auteur de cette histoire tentaculaire et particulièrement dense.

En effet, tout au long des chapitres et suivant les pérégrinations de neuf personnages, on prend conscience du travail effectué par Ian McDonald pour faire de cette Inde 3.0 une anticipation réaliste et intelligente ; traitant aussi bien des problèmes climatiques que des conflits anciens entre hindous et musulmans ou des progrès scientifiques et leurs effets comme avec les IA.

Cette complexité que j'ai trouvée époustouflante est aussi ce qui pourra faire tomber des mains de certains ce livre génial. C'est le prix à payer que de ne pas plaire à tout le monde mais le risque en vaut la peine. A lire pour tous les aventureux qui n'ont pas peur d'être dépaysés... Pour les plus frileux, vous pouvez toujours vous rabattre sur La Petite Déesse : recueil de nouvelles se déroulant dans le même univers mais (imo) plus accessible !

24/10/2014

Deuxième personne du singulier - Daryl Gregory

 
Thérèse est une jeune fille décédée d'une overdose de Z(en) deux ans auparavant. Enfin, presque morte, vu qu'elle sort finalement de son coma de "zombitude" mais avec beaucoup de difficultés à se rappeler son passé. Et c'est là que commence réellement son very bad trip !
 
Etrangère à son propre corps et à l'image que les autres lui renvoient de la personne qui, en quelque sorte, partageait son corps précédemment mais n'existe désormais plus. Difficile quand on doit retourner vivre chez des parents que l'on ne connaît pas...
 
Plus que l'histoire de Thérèse, c'est la problématique de l'identité qui est ici mise en avant, le fait d'être à la fois même (physiquement) et différent (mentalement). C'est en tout cas intelligemment traité et expliqué, l'auteur sortant encore une fois des sentiers battus de façon à aborder un sujet potentiellement vu et revu avec originalité. J'espère donc que les éditions du Bélial' continueront à nous faire découvrir l'étendue de son talent !

Seul bémol, mais pas des moindres, la fin est vraiment décevante et tombe comme "un cheveu sur la soupe", faisant un peu tache comparé au reste de la nouvelle. Dommage mais pas de là à remettre en question la nouvelle entière.
 

21/10/2014

La nuit commencera - Thierry Illouz


A la lecture du synopsis, comment ne pas penser au génial, extraordinaire [...] Il faut qu'on parle de Kevin qui m'a marqué au fer rouge, pas tellement par l'histoire mais par la finesse de l'auteure à retranscrire les sentiments de la mère. Bref, j'ai tout de suite vu en ce roman la préquelle d'Il faut qu'on parle de Kevin, relatant la partie manquante du procès. Fort de cette idée, l'atterrissage n'en a été que plus difficile !

Récit d'un meurtre et de ses conséquences, Thierry Illouz raconte en moins de 200 pages le calvaire d'une mère face à la sentence de son fils. La culpabilité surtout, comme si elle même était mise au banc des accusés, complice pour n'avoir pas su donner à son enfant la bonne éducation, le bon environnement familial... Une sentence qui est donc partagée par cette mère accablée par le chagrin, vivant la peine de son fils comme une sorte de mort, forcée d'en faire le deuil.

Annoncé de cette façon, tout paraît bien dans le meilleur des mondes. Malheureusement, j'ai trouvé que ce roman manquait d'émotions, de finesse, n'arrivant pas à retranscrire les sentiments pourtant multiples et vraisemblablement intenses de cette mère. J'ai donc lu ces pages sans être touchée par leur propos alors même que l'on sent que l'auteur veut faire partager un peu de ce qu'il a vécu, après toutes ces années dans le milieu judiciaire.

Et puis, il y a l'impression que l'auteur en fait trop. Prises une à une, les phrases "sonnent" bien et sont joliment tournées mais mises bout à bout, ce trop plein de style s'avère fatigant et prend le pas sur le fond des phrases. Un langage trop verbeux qui forme une sorte de barrière entre le lecteur et l'(anti-)héroïne et qui participe à cette froideur.

D'un roman au fort potentiel, l'auteur a construit ici un récit vide d'émotions ; à aucun moment je ne me suis sentie impliquée dans le récit pourtant si tragique de cette mère et son fils criminel. Une lecture un peu vaine et vite oubliée. Tout le monde ne s'appelle pas Lionel Shriver et c'est bien dommage...

17/10/2014

Enfer Clos - Claude Ecken

 
La fin de la seconde guerre mondiale a sonné et il est maintenant temps pour la société française anciennement collabo de se refaire une beauté ; montrer à tous que la France ne trempe dans ce genre de "choses" et punit sévèrement ceux qui contreviennent à cette idée. C'est justement pour fuir ces chasses à l'homme, l'avilissement et la honte qui suivent la tonte et parfois le viol des "salopes" ayant couché avec l'ennemi, que quatre frères et sœurs décident de s'emmurer volontairement dans une maison isolée et de se couper du monde extérieur.
 
S'ensuit un enfermement de près de quarante ans, une lente et terrible auto-destruction sur fond de conflits fraternels dont la violence dépasse l'entendement. On aimerait ne pas avoir à y croire, bercé par l'illusion que tout cela n'est que fictif, mais la quatrième de couverture nous rappelle brusquement à la réalité. La fin est d'ailleurs d'une ironie macabre quant au voyeurisme et à la passivité mêlée d'une population qui sait (ou suppose) mais ne dit rien puis passe à autre chose comme un page qu'on tourne.

"Comment avaient-ils réussi à descendre si bas sur l'échelle de l'humanité ? Il n'y avait pas d'explication. Il n'y avait jamais de motifs aux enfers qu'on se forge. Seulement des prétextes."

Condensant en moins de 150 pages l'étendue de la folie humaine, Claude Ecken nous plonge dans un huis-clos sordide où chaque page apporte son lot d'atrocités : viol, sadisme, perversion, inceste, torture... qui laisseraient pantois E. Zola lui-même devant tant de cruauté.

Un cauchemar qui prend vie sous la plume aseptisée d'Ecken et nous fait suffoquer d'horreur, comme si les murs de ce huis-clos se renfermaient sur nous pour nous y enterrer vivant. Traumatisant.

Ils l'ont aussi lu : Gromovar, Cornwall


13/10/2014

Anamnèse de Lady Star - L. L. Kloetzer


Autant annoncer directement la couleur, plusieurs semaines après sa lecture, je reste incapable de dire si j'ai aimé ce roman ou non. En fait, pour être tout à fait franche, je n'y ai pas compris grand chose ; seule la première partie m'a semblé "simple" à lire et à comprendre. Un sentiment bien éphémère  car les périodes et les points de vue se mélangent sans cesse dans un savant gloubiboulga qui m'a bien emmêlé les neurones.

(Je signale par ailleurs que cette lecture me paraît déconseillée en cas de troubles de la concentration. C'est un récit qui se mérite et ne livre ses secrets qu'aux plus concentrés et un peu tordus des lecteurs.)

Mais, malgré les paragraphes précédents dont la teneur pourrait faire fuir tout lecteur potentiel surfant sur ma critique, je me dois tout de même de dire que ce roman m'a bien marqué. En effet, j'ai souvent cru voir pendant et après ma lecture des symboles cachés dans les phrases du roman, du même type que celui utilisé comme arme de destruction massive dans l'intrigue. Problème neurologique ou début de conquête planétaire... le mystère plane toujours.

En définitive, le couple Kloetzer signe avec Anamnèse de Lady Star un récit hors-norme, transgenre. Un véritable OLNI littéraire qui ne plaira pas à tout le monde mais qui a au moins le mérite (et pas des moindres) de vous renverser par la puissance de son originalité et son sense of wonder indéniable !

09/10/2014

A l'affiche #1 : Spécial Zombies

Enthousiasmée par le Zombies Challenge lancé par Cornwall, je me suis décidée à visionner plusieurs films/séries à base de zombies. Bien que ce genre ne soit pas celui que j'affectionne le plus, ça reste tout de même un bon moyen de se divertir, calé bien confortablement devant sa télé.

Adapté du très bon World War Z de Max Brooks, ce film éponyme partait déjà avec un gros avantage. Malheureusement, la production hollywoodienne tombe vite dans le pathos, atteignant des records de cucuterie grâce à un tragique : "Dites à ma famille que je l'aime !" et une scène de réconciliation entre les méchants palestiniens et les gentils israéliens, chantant ensemble des "Shalom" à tue tête pendant qu'à côté des gens se font bouffer... Pfff. 

Malgré tout, les blockbusters de ce genre ont aussi la qualité de toujours nous tenir en haleine. J'ai quand même passé un bon moment et c'est déjà bien. 

***

Comme d'hab' (et à tort parfois), quand une série fait le buzz l'un de mes premiers réflexes est de ne pas vouloir la regarder. Ce fut le cas pour The Walking Dead mais comme l'engouement s'essouffle un peu autour de moi, j'ai décidé de me lancer et d'en visionner la première saison. Verdict : Même si les visuels post-apo sont cools et bien rendus, que le maigre suspens nous fait tout de même tenir, je n'ai pas réussi à m'intéresser aux personnages qui n'arrivent pas à égaler ceux des comics. En résumé, la série TV n'est qu'une pâle copie de la série de comics à quasiment tous niveaux. C'est donc une déception qui ne m'encourage que plus à continuer la lecture des comics. Presque une bonne nouvelle en sorte.

***

Traitant de façon un peu border-line la thématique du zombie, Les Revenants est une série française (cocorico) portée par le jeu de ses acteurs et une ambiance sombre. Contrairement à 90% des autres séries, celle-ci ne tombe pas dans la facilité avec du suspens et de l'action à tout va et c'est justement l'un de ses points forts. Chaque épisode se focalise sur un personnage et nous permet de mieux comprendre son histoire et sa psychée. 

Si la lenteur de l'intrigue pourra en gêner certains, elle est pour ma part essentielle à l'intrigue générale et surtout à l'ambiance. J'ai appris depuis qu'il y aura une saison 2 et j'ai vraiment hâte de pouvoir la visionner au vu de la qualité de cette première saison mais aussi de sa fin qui apporte plus de questions que de réponses !
 

http://the-last-exit-to-nowhere.blogspot.fr/search/label/Zombie

06/10/2014

Chambre 507 - J.C. Hutchins & Jordan Weisman

 
Le décor donne tout de suite le ton. Brinkvale : mi-asile psychiatrique, mi-purgatoire, tombeau creusé dans le grès pour y accueillir les pires criminels de New-York. Le froid et les ténèbres y règnent en maître, augmentant un peu plus le sentiment d'asphyxie et de malaise qui suinte des pages de Chambre 507. Sueurs froides assurées !
 
C'est d'ailleurs dans cette fameuse chambre que Zachary Taylor - art-thérapeute nouvellement engagé - va devoir statuer sur la responsabilité pénale d'un supposé tueur en série aveugle. Et pour que Zach parvienne à ses fins et réussisse à boucler son dossier avant le jugement de Martin Grace, il devra exhumer les fantômes du passé ; ceux de son patient tout comme les siens.
 
"Donnez-moi vos rebelles, vos exaspérés, qui en rangs serrés aspirent à penser libres... Et enterrez ces malheureux là où personne ne les entendra crier.

Un boulot de fossoyeur qui le fait peu à peu sombrer dans la paranoïa, à mesure que ses découvertes précisent le rôle de Grace (et de l'Homme sombre) dans la douzaine d'homicides que ce dernier est suspecté d'avoir commis malgré des alibis en béton armé. Réalité ou fiction ? Où s'arrête l'auto-suggestion et où commence la folie ?
 
Alors que les débuts reprenaient les codes plutôt classiques du thriller, on plonge rapidement dans le fantastique paranoïaque avec délire de persécution etc... Mais au lieu d'en user avec parcimonie, notre duo d'auteurs en abuse, donnant lieu à des scènes purement invraisemblables. Un style too much qui perd le lecteur dans une intrigue déjà foisonnante en révélations.
 
Malgré des débuts prometteurs et une intrigue haletante, le synopsis s'avère trompeur et les morceaux de puzzle disséminés ici et là ne s'assemblent visiblement que dans l'esprit du personnage principal. En effet, la fin ne tient pas toutes ses promesses et laisse bien des mystères irrésolus, abandonnant le lecteur dans le noir le plus complet. La seule question qui se pose alors est : Avez-vous peur du noir ? Si tel n'est pas le cas, Chambre 507 saura peut-être vous satisfaire.
 
Ils l'ont aussi lu : Gruz, Book en Stock, Unwalkers

03/10/2014

Soldat des Brumes : Intégrale I - Gene Wolfe


Dans le cadre de l'opération 15 ans 15 blogs (cf précédent article) Gilles Dumay demandait aux blogueurs participants de faire découvrir sur leur blog un auteur jamais critiqué auparavant. Pas trop difficile pour moi avec seulement 3 mois à mon actif !

***
 
A partir de concepts très intéressants et brillamment maîtrisés, G. Wolfe nous plonge dans l'univers onirique de son héros amnésique ; Latro, un soldat perdu dans les brumes de son esprit à la suite d'une blessure à la tête que nous suivons pas à pas par le biais de son journal, au gré de ses péripéties, ses rencontres avec les dieux et déesses de la mythologie grecque et bien sûr l'avancement de sa quête identitaire.
 
Mais comment peut-on découvrir qui l'on est et d'où l'on vient lorsque chaque aube se lève en emportant le souvenir du jour précédent ?

Comme Latro nous ne comprenons pas tout de ce qui nous entoure mais, par le biais de son journal intime, une certaine complicité et un attachement naît entre le lecteur et Latro, ce qui donne une ambiance particulière à la lecture. Et au-delà de la difficulté liée à l'amnésie chronique de son personnage principal, Gene Wolfe continue de s'amuser avec nos méninges en brouillant les repères géographiques et historiques que pourrait nous apporter le cadre  antique du roman.

Un pari risqué, mais à mon sens réussi haut la main, qui peut tout autant fasciner que perdre le lecteur au point de lui faire arrêter sa lecture. Si l'érudition de l'auteur séduit, pas sûr par contre que tous ses lecteurs soient à la "hauteur" de celle-ci... mais il faut tenir bon et accepter parfois de ne pas en comprendre toutes les subtilités. 

Le cycle de Soldat des Brumes s'avère toutefois plus aisé à lire que celui de L'Ombre du Bourreau, majestueux et épique mais trop souvent ardu. L'oeuvre d'un grand auteur qui, s'il n'a plus besoin de prouver l'étendue de son talent, réussit toujours à nous épater par son originalité et la beauté de son écriture. Il signe ici un voyage fascinant dans la brumes de l'esprit sur fond de Grèce antique !

01/10/2014

Opération 15 ans 15 blogs de Lunes d'Encre


En ce joli mois d'octobre, la collection Denoël Lunes d'Encre menée par l'indestructible Gilles Dumay fêtera ses 15 ans. Pour cela, j'ai été sélectionnée ainsi que quatorze autres de mes blogopotes pour faire découvrir un roman et un auteur publié par la collection. Un anniversaire qu'il est important à mon sens de célébrer, Lunes d'encre faisant partie de mes premiers et meilleurs pourvoyeurs de romans SFF.

En effet, elle incarne pour moi le must des littératures de l'imaginaire et même plus que cela vu que cette collection n'hésite pas à sortir des sentiers battus, décloisonner les frontières du genre et prendre des risques aussi bien littéraires que financiers pour nous faire découvrir ses coups de cœur. Plus que de la SFF, Lunes d'Encre publie de la littérature ; de celle qui a du style et qui ne prend pas le lecteur pour un con, qui nous émerveille et nous transporte.

Car Lunes d'Encre c'est aussi la collection qui m'a ouvert les yeux sur ce qu'on peut attendre d'un roman de science-fiction ou de fantasy, qui m'a fait comprendre que cela ne se limitait pas aux quasi-toujours médiocres D. Gemmell que je dévorais à l'époque.

Grâce à elle, j'ai découvert le style plein de bruit et de fureur de Laurent Kloetzer dans "Le Royaume Blessé" (mon tout premier LE), le génie de Ian McDonald et ses anticipations, la subtilité et l'inventivité de Gene Wolfe, le foisonnant Tom Piccirilli, sans oublier d'autres auteur(e)s comme Christopher Priest, Laurent Genefort, Jo Walton, P.K Dick, R.C Wilson... Et le plus beau, c'est que je sais qu'il m'en reste beaucoup d'autres à découvrir !

C'est pourquoi j'ai décidé de ne pas faire une chronique mais plusieurs, échelonnées tout au long du mois, pour mettre en avant des coups de cœur, des bonnes découvertes et des ovni littéraires publiés par Lunes d'Encre.

Bref, vous l'aurez compris, la bannière Lunes d'Encre flottera sur ce blog ce mois-ci !