26/11/2014

Treize - Seth Patrick


Il y a quelques années, la vision de la mort a été considérablement bouleversée. En effet, c'est à cette période que Daniel Harker a révélé au monde l'existence des Revivers, personnes capables de communiquer aux morts pendant quelques minutes. Plus qu'une aide apportée aux familles pour faire leur deuil, une branche spécialisée de Revivers assiste les enquêteurs dans la résolution de meurtres, en général particulièrement violents.

 
Malgré un thème qui pourrait vite être exploité de manière sensationnaliste, l'auteur évite le plus souvent les écueils du pathos et du larmoyant quant à la résurrection des victimes. D'ailleurs, les scènes de "revival" sont convaincantes et les explications scientifiques à ce phénomène plutôt bien trouvées et approfondies.

Mais, une fois encore, si le background développé par l'auteur est très intéressant et plutôt novateur, l'intrigue principale à base de révélations et de complots n'a pas réussi à me transporter. C'est en effet tout le problème que j'ai quand les éléments fantastiques apparaissent dans notre monde connu c'est que je ne peux m'empêcher d'être dubitative et de trouver peu crédible. (Au moins, en fantasy et dans une grande partie des romans de SF, on sait tout de suite que l'on n'est pas sur Terre ou alors dans un futur tel que tout (ou presque) devient possible et imaginable.)

J'en retire tout de même un bon divertissement au style cinématographique et prenant qui, s'il ne m'a pas totalement séduit par une intrigue qui vire à l'aigre et au too much métaphysico-scientifique (sans oublier l'indispensable histoire d'amour), n'en reste pas moins un satisfaisant page turner au dynamisme rafraîchissant.

Ils l'ont lu : LeaTouchBook, Gruz

22/11/2014

La Cité des Oiseaux - Adam Novy


Parfois il y a des romans que l'on lit sans trop savoir pourquoi. Une couverture qui nous accroche sur le rayon d'une bibliothèque, puis une 4e de couv' mystérieuse évoquant un monde parallèle situé près de la Hongrie, sur le territoire américain (!). Intrigué, on commence à en lire les premières pages, qui résonnent de manière religieuse, prophétique, décrivant la fin d'une guerre fratricide et le début d'une apocalypse, et on ne le lâche plus.

Je n'en dirais pas plus pour laisser à ce roman le goût de l'inconnu qui lui va si bien mais en voici tout de même un court extrait :
"Il y a tant de choses que nous ignorons. Nous ne pouvons dire ce qui se passe en surface. Nous sommes sous terre, avec notre peau d’une pâleur éclatante et nos bougies, à scruter des fresques représentant notre histoire. Nous n’avons que des silhouettes, des gestes, des indices, des traces, des rumeurs, des dates, des surnoms et des preuves contradictoires en guise d’annales. L’histoire, et le rôle que nous y avons joué, n’est pas compréhensible, bien que nous l’ayons étudiée pendant des années. Qui peut pénétrer l’esprit des gens du passé ? C’est nous qui sommes vivants sous la terre, dans les tunnels ; nous sommes tout ce qui reste, et vous êtes les seuls à connaître notre histoire."

Il y a donc parfois des romans comme La Cité des Oiseaux que l'on lit sans trop savoir pourquoi ; mais, une fois commencé, la poésie brutale des mots nous envoûte et son flux, à la fois boueux et sanguinolent, nous emporte jusqu'à la dernière ligne où, titubant sous la violence des paroles et des actes, on referme ce roman fier d'avoir découvert un grand livre, bien qu'injustement méconnu. 

05/11/2014

La Maison des Derviches - Ian McDonald


Tout comme pour son précédent roman d'anticipation Le fleuve des dieux, Ian McDonald réussit le pari d'imaginer un futur cohérent et réaliste prenant cette fois-ci place à Istanbul en 2027. Moins foisonnant que ce dernier, La Maison des Derviches est justement plus abordable à lire sans pour autant y perdre dans la complexité de son histoire. Peut-être un meilleur accès à l'écriture de McDonald ?

De plus, ce que j'ai apprécié dans ce roman et qui me manquait dans son roman précédent, sans être pour autant gênant, est une intrigue "à taille humaine" et non pas inter-planétaire-sidérale-de-la-mort-qui-tue. 
En effet, on se sent ici plus proche des personnages et de leurs parcours, même s'il est évident que le fait qu'ils soient moins nombreux et que leurs liens soient plus tangibles rend la compréhension plus facile et nous permet de prendre du temps pour les apprécier.

"Tant que la réalité n'entre pas en ligne de compte rien n'est plus facile que s'égarer dans l'imaginaire, à Istanbul."

Par un habile mélange à base de légende urbaine, de guerre nano-religieuse et de spéculation boursière, Ian McDonald se renouvelle encore une fois et tout autant brillamment que ce à quoi il nous avait habitué (si ce n'est plus). Donc n'hésitez plus et plongez vous dans l'Istanbul fascinante et merveilleuse de La Maison des Derviches !

01/11/2014

L'océan au bout du chemin - Neil Gaiman


Échappant pour un temps au serrage de mains et à la tristesse inhérentes à un enterrement, un homme erre sans but précis sur les routes de campagne du Sussex. L'occasion pour lui de retourner sur les lieux de son enfance, peuplés de créatures magiques tour à tour terrifiantes ou merveilleuses, tirées d'un imaginaire nourri autant par les contes que les comics.

Il se remémore alors l'époque de ses 7 ans, sa baby-sitter démoniaque, la ferme des Hempstock mi-femmes mi-sorcières, le cercle des fées situé dans son jardin et bien sûr l'océan au bout du chemin, mettant en avant le fait que si "les souvenirs d'enfance sont parfois enfouis et masqués sous ce qui advient par la suite, comme des jouets d'enfance oubliés au fond d'un placard encombré d'adulte, on ne les perd jamais pour de bon."

Seulement, alors que j'avais adoré le début, j'ai eu beaucoup de mal à m'immerger dans l'imaginaire de cet enfant (sans nom) de 7 ans. La magie avait du mal à prendre. J'ai donc cru que le problème venait de moi, du fait que je devais être trop grande dans ma tête pour y croire, mon imagination d'enfant perdue en même temps que mon innocence...

Puis j'ai lu ce paragraphe qui m'a redonné foi en ma capacité à apprécier ce livre : "Les adultes non plus, ils ressemblent pas à des adultes, à l'intérieur. Vus de dehors, ils sont grands, ils se fichent de tout et ils savent toujours ce qu'ils font. Au-dedans, ils ressemblent à ce qu'ils ont toujours été. À ce qu'ils étaient lorsqu'ils avaient ton âge. La vérité, c'est que les adultes n'existent pas.Et heureusement, la magie opéra !

Flirtant comme à son habitude avec le réel, qui rappelle beaucoup le réalisme magique, Neil Gaiman y apporte sa touche de poésie mais aussi la nostalgie presque mélancolique d'un enfant planqué sous le masque (parfois) trop lourd à porter qu'affiche les adultes. Si les souvenirs sont puisés dans l'enfance, le fond de l'histoire est paradoxalement très mature. Il touchera d'ailleurs surement plus un public "adulte" que YA.

En conclusion, L'Océan au bout du chemin se nourrit de nos peurs mais aussi de nos (dés)illusions enfantines les plus profondément enfouies pour les faire resurgir des années plus tard de manière fulgurante et parfois douloureuse. Il est de l'étoffe dont sont faits les rêves les plus fantastiques comme les cauchemars les plus effrayants.

Ils l'ont aussi lu : Gromovar, Lune, Lelf, Vert, Anudar